La vie avec la bipolarité

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Clémence H. fut enfin diagnostiquée bipolaire à 65 ans. Après une vie très active professionnellement et une famille réussie, dont les membres sont cadres dans diverses entreprises de la région, Clémence s’est retrouvée seule dans un appartement et a entrepris une vie de bénévolat pour occuper ses loisirs.

Lors de la visite de Julie, une de ses filles, celle-ci a constaté que sa mère dormait beaucoup, soit 13 heures d’affilée durant la nuit, et de longues siestes l’après-midi.  Sa mère ordinairement si active semblait souvent dans la lune et sans entrain. Elle en a parlé à ses frères et sœurs, en leur demandant d’être vigilants, car elle craignait une dépression pour leur mère.

Voilà, le terme est lâché. Clémence est dépressive. Son médecin lui prescrit des antidépresseurs, par dessus une flopée de pilules car sa santé physique est assez précaire : hypertension contrôlée, hypercholestérolémie contrôlée, maladie de Ménière presque contrôlée. Clémence vient de se retrouver avec un médicament supplémentaire dont elle n’avait aucun besoin mais qui semblait lui redonner un peu d’énergie.

C’est un choc émotionnel important provoqué par une allergie à un médicament antigrippal qui a amené Clémence à une grave crise de panique la conduisant ainsi à l’hôpital psychiatrique Roland-Saucier à Chicoutimi-Nord. Là, prise en charge par une équipe compétente, elle a été remise sur pied en un mois mais sans avoir été diagnostiquée de sa véritable maladie.

Clémence retourne à la maison avec l’assentiment de ses enfants car son corps et son esprit semblent aller mieux. Elle reprend ses activités malgré les regards soupçonneux de ses compagnes de bénévolat face à un passage en psychiatrie.

Un an plus tard, Clémence rechute et à la suite d’une période de détresse, elle se retrouve à nouveau à Roland-Saucier, entraînée de force par ses enfants qu’elle considère alors comme ses ennemis. Cette fois, après des examens très approfondis, Clémence reçoit enfin le bon diagnostic et la médication qui lui permettra de bien vivre et d’affronter tous les défis de la vie. Elle est bipolaire.

C’est un manque de lithium qui provoque son état, la menant à des périodes de mal de vivre suivies de semaines de surexcitation.

Une fois sa dose quotidienne en sels de lithium bien équilibrée, Clémence retrouve son appartement, ses activités et les regards de ses amis perdent enfin leur lueur de soupçons… Toutefois, Clémence doit le plus possible éviter le stress et les situations agressantes, mais elle est maintenant dotée d’outils efficaces pour faire face à la vie. En fait, elle fait partie des 5 % de la population qui vit avec la bipolarité, soit un taux de 50 personnes dans une municipalité de 1000 habitants.

Vous avez bien lu, il y a 5% de la population qui est bipolaire et bon nombre reçoivent le diagnostic de dépressif et n’ont donc pas la bonne médication. En effet, les médecins ont de la difficulté à découvrir que leur patient est bipolaire, puisqu’ils ne les voient que dans les épisodes «d’affaissement» et non dans les périodes «de surexcitation». Toutefois, après une discussion avec son patient, un médecin de famille devrait se méfier d’une hyperactivité chez un adulte, jumelée à une dépendance affective, couronnée par des projets multiples, plus ou moins bien ficelés. De plus, ces patients augmentent la possibilité d’être bipolaires s’ils ont, dans leur famille, des personnes atteintes de ce même trouble.

Soyez vigilants envers votre entourage si vous constatez que certains présentent des symptômes de crises de panique, de périodes de mélancolie et d’heures de sommeil excessives, il serait judicieux d’accompagner votre parent pour en discuter avec son médecin de famille.