Pendant que la « game » de baseball était transmise par les ondes du petit radio brun dans le garage, mon père me montrait comment installer ma première mouche au bout d’une longue canne jaune et rouillée…
35 ans plus tard, j’effectue un retour dans mon Saguenay natal; et les circonstances (du destin) m’amènent à vivre sur le bord d’une rivière à saumons. Lorsqu’un savoir nous est passé tel un flambeau pour l’avenir, jusqu’à quelle profondeur de l’inconscient reste-il inscrit?
Ça fait maintenant un an que je suis à L’Anse St-Jean, et je pense humblement que j’ai encore beaucoup à découvrir. Tout ce que je connaissais à propos de l’endroit me venait de l’impression que le rythme de vie serait plus lent. Pourtant, tout s’est déroulé à une vitesse folle depuis mon arrivée. Des lieux, des contrats, des aventures, des amitiés, des conflits, des rencontres, des déménagements, de grandes surprises, des revirements, des paysages indescriptibles, et puis l’amour…
Et grâce aux gens d’ici, j’ai pu commencer à saisir l’essence de la place. Que ce soit en jasant avec Jacques Racine au lac Emmuraillé, ou avec madame Martel au lac Simon; que ce soit sur le balcon de Magella, au centre M, ou au Camp de base, sur le marais des Gilbert à Boilleau, avec Élias sur le quai de Petit Sag, ou bien avec les ados de Rivière-Éternité, j’ai eu la chance d’être témoin, de partager, d’entendre et d’apprendre énormément. Le vivant, le maintenant, l’histoire racontée sur le bord d’la porte, le p’tit truc de la voisine pour protéger les racines de ses plants, l’outil gracieusement prêté pour dépanner; les rires gratuits et les bonjours si simples; toutes ces choses qui ne se retrouvent pas sur Wikipedia, mais qui te font sentir le vrai, sur une région qui te prendra tel que tu es.
C’est dans l’action que prend forme la transmission
L’action du geste, de la parole
C’est dans le lien à l’autre que naissent les visions, visions de soi et de l’humain
C’est dans la beauté de l’écoute que l’invisible peut prendre forme
Une roue sans fin qui se dévoile au fil du temps…
C’est monsieur Gagné 82 ans qui raconte comment il fait;
C’est l’interrogation du nouvel arrivant, complètement innocent;
C’est le jeune qui imite le vent, la vieille dame qui scrute l’enfant;
C’est la relation à la culture et à l’histoire qui ne meurt pas;
C’est de l’huile dans l’engrenage des contes et des langages;
C’est aussi cette enseignante qui a repéré l’état de manque;
C’est le touriste, le passant ou l’habitant qui explore une poignée de main, sans se soucier du lendemain;
Et nos cellules qui deviennent fortes grâce aux contacts un jour permis;
La transmission c’est loin là-bas et c’est ici;
Et même si la loi ne l’interdit, parfois je doute je me replis
Et je m’exclus du grand dessein
Par simple souci de mon voisin.
Je ne suis pas seul à marchander ma solitude
Et aux dépens de l’expression
On se renferme pour une saison
On ne sait plus pour quelle raison
On reviendrait prendre une place
Sur la courroie de transmission
Et pourtant l’urgence de dire d’entendre et de parler est vitale, nécessaire et essentielle, comme un service d’arrimage du tissu de l’humanité.
J’y ai pensé tout le matin, à comment te le dire et pourquoi
Il y a dans mes mains une ligne vers toi
Fragile je ne sais si ça s’donne ou comment ça résonne
Voilà encore que je cherche que je présume
J’imagine et procrastine au lieu d’aller à ta rencontre
Mais y a ce frein cette peur qui me consume.
Où prendre le courage et puis l’élan
De m’habiller de cette parole que j’ai en d’dans?
Et qui voudrait en quelque sorte
Tracer le fil ouvrir des portes
Afin qu’enfin on se connaisse
Et qu’on mélange nos mayonnaises
Tartares ou tartes ou vinaigrettes
Qu’à la chaleur du four ou d’un vieux poêle
L’échange la bouffe le feu les discussions
Les différences s’unissent un soir dans ta maison
J’arrêterai finalement de trop penser
Tu oseras ouvrir c’que t’avais enfermé
Alors la voie pour nos deux voix
Et le malaise aux oubliettes
Et la parole dans nos assiettes
Si tu veux partager ou me transmettre
Je me mettrai à ta disposition
Que tu me dises ta position
Si tu es transparent, comme un parent en mission
Je recevrai ta transmission
Sans compromis je t’écouterai sans faire le con promis
On se retrouvera Ami chemin
Tracé dans le milieu de nos oppositions
Accordés sur un terrain d’apprentis sages d’accueillir
Riches de se prêter l’oreille mutuelle pour tuer le conflictuel
Et rallumer la chandelle des espoirs
Grâce à ces partages et ces miroirs
ll y a l’échange des savoirs…