L’entraide au cœur de nos villages

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Fête de préouverture du Café des Marées à Saint-Fulgence.
Simon Tremblay, un citoyen de Saint-Fulgence qui écrit ici son 2e texte dans le Trait d’Union. Cette aventure de vouloir créer des ponts entre la rive sud et la rive nord du Bas-Saguenay nous fait rencontrer de biens beaux humains.

 

Dans L’entraide, un facteur d’évolution, le russe Pierre Kropotkine écrivait en 1902 que l’entraide était un attribut inné et répandu chez les animaux, comme chez toutes les communautés humaines. La raison principale : l’entraide est un facteur de survie et d’innovation dans les groupes. À cette époque, le darwinisme, une théorie qui met l’emphase sur la compétition entre les individus, dominait le monde de la pensée. Kropotkine avait parcouru les confins de la Russie pour démontrer, à partir de ses observations, que sous la main de fer des Tsars, les communautés survivaient car elles s’aidaient entre elles, et non car elles luttaient pour leur survie l’une contre l’autre.

Exactement 120 ans plus tard, le but de cet article est beaucoup moins ambitieux : montrer que l’entraide est une partie de notre identité et un facteur de survie sur la rive nord du Fjord du Saguenay. La vie n’est pas facile ici! Les rudes hivers, la distance entre les villages, notre dispersion et le sol rocheux en font une terre qu’il est difficile d’habiter. Pourtant, si les gens sont si heureux à Sainte-Rose-du-Nord et Saint-Fulgence, c’est parce qu’un réseau de personnes tisse une toile d’échanges et de soutien à travers les habitations. Cette entraide se manifeste – entre autres – de trois manières remarquables :  dans la collaboration intermunicipale, dans le monde agricole et dans des lieux de rencontre magiques comme le Café communautaire des Marées.

En premier lieu, il y a la récente annonce – depuis juin – que les municipalités de Sainte-Rose-du-Nord et Saint-Fulgence uniront leurs efforts pour pourvoir à leurs besoins en comptabilité. La pénurie de main d’œuvre frappe tous et toutes, dans les entreprises privées comme dans l’administration publique. Mettre en commun les ressources avec les municipalités voisines est ce qui permettra ultimement de passer à travers cette crise. Plutôt que de se battre pour les ressources, ceci est la preuve que miser sur le partage pour l’épanouissement de nos deux municipalités est plus rentable! Tenir les livres est une tâche essentielle, et il en va de la survie des services municipaux.

À un tout autre niveau, notre rive du Fjord est connue pour la beauté de ses paysages agricoles, pour la détermination des personnes qui nous nourrissent et qui tiennent des entreprises d’agrotourisme. Pour le sentir concrètement, je suis allé le vivre dans le village voisin ce dimanche. Derrière la serre de Guillaume, un maraîcher chevronné, le soleil d’automne plombait à travers la forêt. De ma main gauche, la fourche se plantait à intervalles réguliers dans la terre sablonneuse, et ma main droite empoignait le feuillage des panais pour en faire une botte. D’un coup d’exacto tiré bien droit, les tiges tombaient au sol, et ma main gauche, encore elle, ramassait les panais en un paquet tendu par un élastique. Au Domaine de la roche à l’épervière, on fait entrer des troncs de peuplier dans une fournaise pour chauffer la serre. Au milieu de la forêt de Sainte-Rose-du-Nord, Guillaume cultive des paniers de légumes diversifiés pour plus de cent familles de la région. Il a bien besoin d’un coup de main le dimanche! C’est une relation d’entraide qui relie ma main à la racine du panais, à travers le sol et les feuilles qui se tendent vers le ciel d’un ami.

La ferme La Bricole

Une autre ferme est née cette année à Saint-Fulgence, La Bricole, qui selon Myriam, qui y travaille, a été nommée ainsi car une ferme est bien plus qu’un seul ouvrage. Il y a mille métiers dans ce métier, on cultive, on construit, on répare, on vend, on fait du graphisme… Je suis d’ailleurs allé abattre les canards avec Antoine et Myriam par une belle journée de septembre, et ils en ont encore à vendre si vous en voulez!

Finalement, et non le moindre, le Café communautaire de Saint-Fulgence fait couler de l’encre cet automne. Le 18 septembre a eu lieu la fête de préouverture du café. Un grand succès selon Maxime Hébert, chargé de projet au café, pour qui les nombreux bénévoles impliqués et enjoués – le soleil dans les yeux – sont au cœur de l’affaire. Ce sont eux qui préparent les pizzas, les font cuire dans le four artisanal et vous les apportent! L’évènement est un succès, et toutes les pizzas ont été vendues rapidement, avec des maïs et des bières locales. La preuve, lorsque je suis arrivé en milieu de soirée, il n’en restait plus une de disponible!

Le café communautaire est aussi un espace pour se rassembler et célébrer notre culture. Le rock québécois de Maman et la voix du conteur local Ken Villeneuve font partie de la série de spectacles qui ont eu lieu cet automne. Un comité culturel s’organise au village pour poursuivre cette série de spectacles musicaux dans la bâtisse du CIBRO, pour la durée du mois d’octobre. Pour Maude Deschênes, qui fait partie du comité, le but est de créer un nouveau lieu culturel au Saguenay, ici même sur la rive nord du Fjord. Cela demande de l’entraide entre l’équipe municipale, qui gère le lieu, les bénévoles motivés, les artistes inspirants, et bien sûr vous, qui êtes le reflet de cette culture et de cette musique!

Saint-Fulgence et Sainte-Rose-du-Nord sont des communautés emplies d’entraide. Au cœur de cette histoire, on retrouve les producteurs et fermiers de famille qui nous nourrissent, les équipes municipales et les chargés de projet du café communautaire. Allez à leur rencontre!